LA FIDUCIE

LA FIDUCIE

Par David FOUCHARD, ancien bâtonnier, associé de la SCP CAPA.

LA RESPONSABILITE DU FIDUCIAIRE: RESPONSABILITE, ASSURANCE ET GARANTIE

Par: David FOUCHARD

(Colloque sur « LA FIDUCIE GESTION, « Etat des lieux et perspectives », Colloque organisé par l’Université de Bourgogne le 17 mai 2018.)

Pour aborder correctement la question de la responsabilité du fiduciaire, et corrélativement celle de son assurance, il faut revenir à la notion même de propriété fiduciaire, qui est une propriété limitée dans ses prérogatives, et une propriété finalisée à un objectif.

La fiducie gestion créé une propriété fiduciaire dont l’essence est de ne pas transférer en même temps que la propriété, la richesse que confère cette propriété; notamment, le fructus sous forme de solde créditeur en cas de gestion efficace, reste acquis au fiduciant à l’issue du contrat.

C’est ainsi que la responsabilité du fiduciaire va dépendre de cette approche patrimoniale nouvelle, tant en ce qui concerne les causes de la responsabilité que les conséquences de celle-ci.

L’exclusivité des pouvoirs de gestion conférés au fiduciaire par l’effet du transfert de propriété va créer une responsabilité en lien avec ces pouvoirs et avec cette propriété. La responsabilité vis-à-vis des tiers provient du transfert de pouvoirs et de propriété.

Mais également le fait que la richesse doive rester acquise au fiduciant, et qu’il doit donc la retrouver à l’issue du contrat, va créer le fait générateur principal de la responsabilité à l’égard du fiduciaire, qui sera principalement le défaut de représentation du patrimoine mis en fiducie à l’issue du contrat, la perte de richesse.

Surtout la théorie classique de l’unicité du patrimoine, qui est normalement le gage général des créanciers du propriétaire fiduciaire, est ici fondamentalement remise en cause par l’idée de la séparation des patrimoines: le patrimoine transféré au titre de la fiducie d’une part et le patrimoine propre du fiduciaire de l’autre.

C’est cette interaction entre les principes classiques du Droit de la Responsabilité et cette approche nouvelle de la Théorie du patrimoine qui va être la source du régime de la Responsabilité du Fiduciaire.

On constate, mais cela est normal compte tenu de la jeunesse du dispositif légal, que la Jurisprudence spécifique sur la RC du fiduciaire est pauvre voire inexistante, ce qui oblige à transposer à une institution nouvelle qui n’a pas encore révélé toutes ses subtilités par la pratique.

L’on renverra dans globalement, pour les détails d’intendance, aux principes créés pour l’approche de la RC dans des institutions voisines : on renverra à la responsabilité du mandataire, à celle du Banquier, et notamment à ce qui a pu se développer à propos des Fonds communs de Placement.

L’on essayera simplement ici de dégager quelques spécificités de la responsabilité sous toutes les réserves qu’implique la découverte d’une matière neuve.

Aucun texte ne vient définir clairement les contours de la RC du fiduciaire ; définir sa faute, et le préjudice indemnisable.

Toutefois l’on voit dans les textes se dégager deux types de sources de responsabilité pour le fiduciaire:

  • la responsabilité vis-à-vis du Constituant, qui est nécessairement de nature contractuelle, puisque fondée sur le Contrat de fiducie qui est un contrat écrit;
  • Et la Responsabilité vis à vis des tiers au contrat de fiducie, qui pourra être soit de nature contractuelle soit délictuelle, selon que le fait générateur sera un contrat conclu en exécution du contrat de fiducie gestion, précisément pour permettre la gestion du patrimoine fiduciaire, ou selon qu’il ‘agira d’un fait juridique dommageable affectant un tiers.

Mais surtout, la loi sur la fiducie amènera avant enfin de voir comment la RC va s’articuler avec les nouveautés crées dans l’approche traditionnelle du droit des bien et de la théorie du patrimoine.

III-   La Responsabilité vis-à-vis du Constituant

  1. Resp pénale ?  on évoque le cas de l’abus de confiance

L’article 314-1 code pénal: « L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. »

Le verbe « remettre » inclue t’il donc le transfert de propriété fiduciaire,  dans la conception classique de l’abus de confiance ?

Cf ancien article 408: « Quiconque aura détourné ou dissipé au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu’à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage, ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni des peines portées en l’article 406. »

Le nouveau texte, en ne citant pas les contrats qui sont à l’origine de la remise, ce qui permet d’y faire entrer le contrat de  fiducie.

Là où la poursuite, sur la base de l’ancien texte, n’aurait été possible que par l’ajout de la fiducie au titre des contrats cités de manière exhaustive, la formulation actuelle ne nécessite pas de modification du Code Pénal.

Cela économise les moyens du législateur, mais ne garantit absolument pas que les Juridictions pénales accepteront de caractériser un abus de confiance en présence d’un contrat qui assure un transfert de propriété au profit du mis en cause, qui n’aurait alors que profiter de son droit d’Abusus. En réalité, toute la question est de savoir si le Juge pénal appréhendra correctement cette institution nouvelle et acceptera d’y voir un droit de propriété limité dans ses composantes et fera prévaloir la finalité du contrat sur sa lettre.

La jurisprudence classique de la chambre criminelle de la Cour de cassation, pour définir les contours juridiques de la remise au sens de l’article 314-1 a affirmé que « l’abus de confiance ne peut porter que sur des biens remis à titre précaire » (Cass. crim., 14 févr. 2007, n° 06-82.283 : JurisData n° 2007-038056 ; Bull. crim. 2007, n° 47 ; AJ pénal 2007, p. 275, note Y. Muller. – Cass. crim., 19 sept. 2007, n° 06-86.343 : JurisData n° 2007-041293 ; D. 2008, p. 958, note D. Rebut. –

En tout état de cause, l’on peut penser que l’abus de confiance ne pourra être caractérisé et poursuivi qu’à la fin du contrat, au moment où renaît le droit de propriété du Constituant.

  • Responsabilité Civile

Aucun texte ne vient définir clairement les contours de la RC du fiduciaire ; définir sa faute, et le préjudice indemnisable.

Le fiduciaire désigné à l’article 2015 sera un professionnel rémunéré ; et qu’à ce double titre : professionnalisme et absence de caractère gratuit, la fiducie fera naître des obligations renforcés pour le fiduciaire.

Outre les devoirs de prudence et de diligence classique, la JP  y inclura certainement une obligation de conseil et de mise en garde renforcée, qui existe déjà chez les Banques dans le cadre des mandats de gestion qu’elle détient sur les portefeuilles.

On imagine aisément que pourra ainsi se développer en pratique, comme on le voit dans le cas des contrats d’investissement ou de placement, l’introduction de clauses définissant l’objet poursuivi : la simple préservation du patrimoine qui supposera une gestion prudente, ou l’augmentation de celui ci qui supposera une prise de risque. 

Rappelons à cet égard que le contrat de fiducie devant obligatoirement être écrit, et étant soumis au principe de la liberté contractuelle, il  pourra contenir des  clauses limitative de la responsabilité à condition de ne pas écarter les obligations substantielles du fiduciaire, qui est rappelons le nécessairement un des professionnels désignés à l’article 2015.

La Clause, de plus devra respecter, lorsque le constituant agit en dehors de l’exercice de son activité professionnelle, l’Article L 132-1 du Code de la Consommation.

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Restera ensuite à définir si l’obligation de gérer sera considérée comme une obligation de moyens ou une obligation de résultat, ou bien un mélange des deux.

 L’obligation de moyen sera celle de faire au mieux, de gérer en fonction des objectifs en apportant tout le soin possible, toute faute devant être démontrée. C’est ce que la Loi semble poser en principe dans l’article 2026.

Mais la jurisprudence pourra se prononcer en faveur d’une obligation de résultat en ce qui concerne l’obligation de représenter les biens et valeurs à l’issue de la fiducie, sans perte pour le constituant : dans ce cas, la jurisprudence déduira de toute diminution du patrimoine mis en fiducie une violation du contrat, même dans le cas d’un crack Boursier, et sauf le cas de force majeure, qui reste un cas d’école….

Dans ce cas, la faute n’aura pas à être démontrée et se déduira de la perte constatée objectivement, que le fiduciaire devra rembourser.

La Jurisprudence pourra aussi se prononcer en faveur d’une obligation de moyen renforcée en offrant au fiduciaire la possibilité de démontrer son absence de faute, comme la jurisprudence classique applicable au contrat de Prêt , car l’approche de l’obligation de rétrocéder à l fin du contrat s’assimile à l’obligation de restitution en nature ou par équivalent de la chose prêtée.

D’ailleurs, le prêt de consommation n’est il pas un contrat proche de la fiducie car dès lors que l’utilisation de la chose prêtée (comme par exemple une somme d’argent, suppose nécessairement sa consommation, c’est-à-dire l’abusus, il y a pr le contrat de prêt, transfert de propriété de la chose prêtée.

Une réserve toutefois s’agissant du prêt à usage, qui  est gratuit tandis que la fiducie  est normalement rémunérée, ce qui joue sur l’approche des obligations et des responsabilités.

Le peu de contentieux exprimé par la jurisprudence publiée à ce jour s’explique bien: la responsabilité du fiduciaire, sauf le cas exceptionnel où il aurait été fait application de l’article 2027, ne peut s’apprécier qu’au terme du contrat, alors que les premiers contrats de fiducie datent de moins de 10 ans.

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Il sera en tout état de cause un cas où la responsabilité du Fiduciaire sera engagée systématiquement, c’est lorsqu’il ne se sera pas conformé au contrat, notamment lorsqu’il aura excédé les pouvoirs conférés dans sa mission.

Mais ce cas pose une autre question: en cas de doute sur l’interprétation du contrat, l’interprétation  se fera t’elle en faveur du fiduciaire ou du constituant ?

Rappelons les termes de l’ Article 1190 du Code Civil: « Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur »

Or dans notre cas, le débiteur de l’obligation principale est bien le fiduciaire.

De plus, il faut revenir au principe selon lequel la propriété emporte les pouvoirs les plus étendus, et que la limitation des  pouvoirs du fiduciaires ne se conçoivent que selon des stipulations expresses, qui doivent logiquement être strictement entendues.

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Sur le plus strictement civil, la fiducie créé des sanctions spécifiques

Article 2027 :  « En l’absence de stipulations contractuelles prévoyant les conditions de son remplacement, si le fiduciaire manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou encore s’il fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le constituant, le bénéficiaire ou le tiers désigné en application de l’article 2017 peut demander en justice la nomination d’un fiduciaire provisoire ou solliciter le remplacement du fiduciaire. « 

Ce texte est étonnant si on l’intègre dans une réflexion sur le droit de propriété ; dès lors que le contrat de fiducie organise un transfert de propriété, le remplacement du fiduciaire s’analyse en une véritable expropriation. Je ne crois pourtant pas que le Conseil Constitutionnel aurait déjà sanctionné ce texte pour atteinte aux principes de l’Article 17 de la déclaration des droits de l’Homme.

II –  RC vis-à-vis des tiers

Il est un cas spécifique qu’il ne faut pas passer sous silence, car l’imagination des débiteurs est sans limites, c’est celui où la fiducie gestion, sous ses dehors respectables, peut avoir pour objectif de frauder les droits des créanciers du constituant, pour leurs droits nés antérieurement à la création de la fiducie,  qui permettra de faire artificiellement disparaître les biens  du patrimoine du débiteur pour les mettre au nom du fiduciaire.

Si la fraude est avérée, et que le fiduciaire aura prêté la main à l’opération en toute connaissance de cause, sa faute et sa complicité au montage frauduleux engagera sa  responsabilité, tandis que les créanciers du fiduciant pourront  exercer l’action paulienne de l’article 1341-2 du Code civil, ou poursuivre la nullité d’un acte conclut pendant la période suspecte.

Par ailleurs, une cause clairement indentifiable de RC du fiduciaire vis-à-vis des tiers, est le cas de dommages provoqués par le Bien transféré en propriété.

La responsabilité du fait des choses a un régime parfaitement connu : elle est fondée sur la notion de garde de la chose, le gardien étant responsable du fait dommageable de la chose ; en l’espèce, le propriétaire est le fiduciaire.

S’agissant des cas de responsabilité ayant pour origine la gestion fiduciaire, on peut évoquer les actions en concurrence déloyale et par extension toute action semblable prévues pour sanctionner les mauvaises pratiques dans les affaires, les actions indemnitaires prud’homales des salariés licenciés ect…)

Elle nécessite de bien individualiser dans  le patrimoine du Fiduciaire celui qui fait l’objet du contrat du patrimoine propre du fiduciaire; (sauf évidemment à créer une personne morale autonome qui sera fiduciaire et dont le seul patrimoine sera celui transmis au titre du contrat de fiducie ); et ceci pour que la responsabilité personnelle du fiduciaire, vis-à-vis des tiers, pour des faits totalement étrangers ne touche pas le patrimoine fiducié, alors que le patrimoine du responsable est le gage général de ses créanciers de RC.

Cette obligation figure dans l’article 2011.

C’est l’objet de la dernière partie de l’étude.

III – Patrimoine garant et assurance

Au-delà de la responsabilité du fiduciaire, la question fondamentale est de déterminer quelle sera l’assiette du Droit des créanciers.

C’est ici que les particularités de la fiducie apparaissent tout particulièrement.

On a évoqué ci-dessus en introduction, l’atteinte portée par la fiducie à la théorie classique de l’unicité du patrimoine, par la distinction entre le patrimoine propre, nommé dans la loi, et le patrimoine fiduciaire, qui doit en être distingué.

Rappelons les deux textes fondamentaux sur la question :

Article 2025 : « Sans préjudice des droits des créanciers du constituant titulaires d’un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie et hors les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant, le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine. »

Article 2026  « Le fiduciaire est responsable, sur son patrimoine propre, des fautes qu’il commet dans l’exercice de sa mission. »

Le premier texte s’applique certainement aux tiers créanciers d’une dette délictuelle ou quasi délictuelle née d’une action de gestion dommageable d’un patrimoine corporel ou incorporel (on  a évoqué les actions en concurrence déloyale; les créances nées d’un licenciement…).

Le second de ces deux textes quant à lui a principalement vocation à s’appliquer à la responsabilité du fiduciaire vis-à-vis du constituant, pour une faute de gestion ayant abouti à une diminution du patrimoine.

En cas de faute commune, comme dans le cas de fraude permettant l’action paulienne, le créancier aura comme gage le patrimoine du fiduciaire mais aussi une partie du patrimoine fiduciaire.

Mais il ne faut pas négliger le cas où les deux cas de responsabilité vont se cumuler: un acte de gestion va aboutir à une action d’un tiers et l’indemnisation qui en découlera va diminuer le patrimoine fiduciaire, qui se retrouvera amputé d’une partie de sa valeur à la sortie: on aura donc une véritable action en comblement de passif ouverte au fiduciaire.

On voit ainsi que toute dette née de l’exécution de la fiducie a vocation, immédiatement ou au terme du contrat à peser sur le patrimoine propre du fiduciaire, ce qui pose deux question:

  • Celle de l’individualisation du patrimoine
  • Et celle de l’assurance du patrimoine et celle du fiduciaire

On regrette  rien dans la Loi ne vient clarifier la distinction entre les deux patrimoines; certes l’article 2011 prévoit  que le fiduciaire doit tenir les biens, droits et sûretés  séparés de son patrimoine propre, ce qui suppose que le fiduciaire devra prendre toute précaution pour éviter la confusion des deux patrimoines, dans son actif comme dans son passif, en individualisant également les dettes nées de sa gestion.

L’obligation existe, mais elle reste vague dans le code civil; il faut se référer aux mesures comptables prévues par l’article 12 de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007, mais qui ne figure pas au code civil ce qui limite sa publicité.

  • Article 12 :

I.- Les éléments d’actif et de passif transférés dans le cadre de l’opération mentionnée à l’article 2011 du code civil forment un patrimoine d’affectation. Les opérations affectant ce dernier font l’objet d’une comptabilité autonome chez le fiduciaire.

II.-Les personnes mentionnées à l’article 2015 du code civil établissent des comptes annuels conformément aux dispositions des articles L. 123-12 à L. 123-15 du code de commerce.

III.-Le contrôle de la comptabilité autonome mentionnée au I est exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes nommés par le fiduciaire lorsque le ou les constituants sont eux-mêmes tenus de désigner un commissaire aux comptes. Le rapport du commissaire aux comptes est présenté au fiduciaire. Le commissaire aux comptes est délié du secret professionnel à l’égard des commissaires aux comptes des parties au contrat de fiducie.

IV.-Les dispositions des I et II sont précisées par un règlement du comité de la réglementation comptable.

L’enjeu est de taille : tout d’abord donner un sens aux deux textes cités ci dessus ; ensuite  faire la différence entre le droit de saisie des victimes des fautes personnelles du fiduciant, et les titulaires de créanciers nés de la gestion des biens en fiducie, sans parler les créanciers personnels du constituant.

Je ne sache pas que pour la mutation des biens nécessitant une publicité (immeubles, fonds de commerce, parts sociales), le transfert de propriété fiduciaire soit spécialement aménagé par la création d’une formule de publicité spéciale.

Et comme tout revient à retenir la responsabilité, au final, du Fiduciaire, on notera évidemment que toute négligence du Fiduciaire qui n’aura pas pris des mesures d’individualisation suffisante sera considéré comme fautive. 

Reste que dans le régime classique de  la responsabilité civile le gage des créanciers est le patrimoine du responsable ; dans cette optique, il est moral que la responsabilité soit la contrepartie de la richesse notamment en cas de dommage causé par les biens à des tiers : le propriétaire court le risque de sa propriété et sa responsabilité peut être actionnée, par un juste retour des choses, sur les biens qui sont à l’origine du dommage.

Rien de tel dans la fiducie, pour cette raison que la fiducie gestion confère des pouvoirs, mais non une richesse au constituant. Le bien constitué en fiducie lui est transféré, mais le fiduciaire n’en est pas enrichi, ce qui explique que son créancier, hors le cas de la créance né de la conservation et de la gestion du patrimoine, ne puisse le saisir.

Ceci fait ressortir l’absolue nécessité pour le fiduciaire de vérifier l’assurance attachée au bien, dans son existence même et dans son contenu, et de souscrire une assurance spéciale qui devra couvrir non seulement le bien lui-même, mais également sa responsabilité propre en tant que propriétaire. La première de ces assurances pourra être la continuation de la police souscrite par le constituant, couvrant par exemple son immeuble, mais qui devra faire l’objet d’un avenant ou d’une déclaration spéciale auprès de l’assureur, dans l’Hypothèse notamment où l’on pourraît supposer que le transfert de propriété au fiduciaire est un évènement changeant la nature ou l’importance du risque entrant comme tel dans les prévisions de l’article L 113-4 du code des assurances.

On pourra également conseiller au fiduciaire de se couvrir personnellement pour sa responsabilité civile en tant que propriétaire du bien. : cette assurance sera nécessairement une police nouvelle dès lors qu’il y aura déplacement du sujet de la garantie.

En effet, comme je l’ai dit ci-dessus, si le créancier d’une dette contractuelle ou délictuelle saisit un bien en fiducie, il en résultera un appauvrissement du patrimoine qui se répercutera sur celui du fiduciaire au terme du contrat, s’il ne remplit pas son obligation de restitution.

S’agissant de la RC du fiduciaire pour la non représentation des fonds, c’est-à-dire la perte subie par le constituant au terme du contrat en raison de la perte de valeur du patrimoine transféré, elle semble faire l’objet d’une approche spécifique, en ce qui concerne les avocats.

Il s’agit du décret du 18/10/2011, qui ajoute au décret du 27/11/1991 organisant la profession d’avocat un article 216-1 qui est intégré au chapitre traitant de la garantie financière, répondant à l’exigence posée par l’Article 27 de la Loi du 31/12/1971 :

« Il doit  être justifié d’une assurance au profit de qui il appartiendra, contractée par le barreau ou d’une garantie affectée au remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus. »

Cet Article 216-1 prévoit que:

Le montant des garanties financières accordées à un avocat exerçant en qualité de fiduciaire ne peut être inférieur à 5 % de la valeur des biens immeubles et à 20 % de la valeur des autres biens, droits ou sûretés, appréciée au jour de leur transmission. Ces seuils ne préjudicient pas à la souscription volontaire, par l’avocat fiduciaire, de garanties financières supplémentaires ou d’une assurance complémentaire souscrite dans les conditions prévues par le premier alinéa de l’article 209-1. 

Ce texte pose l’obligation impérative pour l’avocat fiduciaire de souscrire une garantie spécifique pour assurer la représentation des valeurs qui doivent être retransmis au terme du contrat et qui auraient connu une perte.

L’on doit s’interroger sur la portée de cette garantie spécifique : couvre t’elle, par analogie avec la garantie maniement de fonds des avocats, le détournement de fonds, ou a t’elle vocation à assurer toute perte en capital, y compris celle qui provient d’une erreur de gestion ?

L’étude de l’introduction au décret du 18/10/2011 répond ainsi à la question:

« Les garanties financières ont pour objet de garantir la restitution des biens, droits ou sûretés transférés dans le cadre du contrat de fiducie. Elles couvrent les risques de détournement mais non les risques de mauvaise gestion. La garantie minimale est fixée, comme pour l’assurance, à 5 % des biens immeubles et 20 % des autres biens ou valeurs transférés. 
Les organismes habilités à garantir l’activité fiduciaire sont les assurances, les banques, les établissements de crédit et sociétés de caution mutuelle, qui apportent traditionnellement leur caution aux professionnels. « 

Il s’agit donc clairement de l’extension à l’activité de fiduciaire de la garantie représentation des fonds clients classique des avocats, couvrant les fonds dits « fonds CARPA » ; cette assurance spécifique est remarquable en ce qu’elle va potentiellement couvrir un fait délictueux volontaire, qui normalement n’est pas assurable, mais ne va pas couvrir ce qui est normalement assurable : la perte aléatoire de valeur en raison d’un sinistre extérieur, ou encore la simple erreur de gestion la négligence ou l’imprudence.

Cette conclusion est celle du législateur ; sera t’elle celle des tribunaux ; à la lecture du contrat type MMA on lit la définition suivante de l’évènement garanti :  « La défaillance de l’assuré à représenter les biens droits ou sûretés relatifs à la Fiducie pendant le durée de la garantie »

Quant à la définition de la garantie elle-même, elle st la suivante : « la garantie s’applique aux pertes, vols, disparitions, falsifications dont l’assuré peut être victime. »

On ne voit pas réellement que la perte liée aux fautes de gestion comme par exemple mauvais choix de placements ne seraient pas garantis par l’assurance maniements de fonds, alors que, selon  le vœu du pouvoir règlementaire la faute de gestion en tant que telle aurait plutôt vocation à être couverte par l’assurance de RC classique de l’avocat.

Tout au plus peut on regretter que la couverture soit fixée à 5 % du patrimoine immobilier et à 20 % pour les autres biens et droits, alors que ceux-ci, comme pour les immeuble peuvent être constuitués de biens et droits sur lesquels toute spéculation est impossible et dont la perte de valeur est très improbable, comme les actions de sociétés non cotées, les créances les brevets etc…

Le montant de la garantie pourra être excessif et donc être un obstacle au développement de l’activité fiduciaire chez les avocats.

Et ce d’autant plus que l’avocat qui se risque, comme fiduciaire, à la gestion de portefeuille délèguera sa mission à un établissement financier, avec lequel il pourra conclure une convention de gestion, par laquelle le risque de perte pourra faire l’objet d’une action en garantie à l’encontre de la banque.