Peut-on se retirer librement d’un GFA ?

Peut-on se retirer librement d’un GFA ?

Peut-on se retirer librement d’un G.F.A. ?

Par Maître François-Xavier BERNARD, avocat au barreau de DIJON, SCP CAPA.

En principe, non.

L’article L. 322-23 du code rural dispose que          

« les associés d’un groupement foncier rural ou d’un groupement foncier agricole peuvent, sans préjudice des droits des tiers, se retirer totalement ou partiellement de la société dans les conditions prévues par les statuts. A défaut, le retrait ne peut être autorisé que par une décision unanime des autres associés 

Autrement dit, dans le silence des statuts, tout membre du G.F.A. peut s’opposer au souhait de retrait manifesté par un autre… et le retrayant est condamné à rester indéfiniment dans le G.F.A., sauf bien sûr à trouver un acheteur pour ses parts. (le G.F.A. ou les associés devant acquérir les parts s’ils n’agréent pas le cessionnaire proposé par l’associé qui veut se retirer)  

L’article 1869 du Code civil, disposition générale qui vise les sociétés civiles, prévoit bien un  retrait judiciaire pour justes motifs, mais n’est pas applicable aux G.F.A., en vertu de l’article L 322-23 précité.

L’article L 322-23 obéit à la logique qui a présidé à la création du G.F.A. : l’intérêt d’un G.F.A. –notamment familial – est notamment d’échapper aux inconvénients de l’indivision successorale, dans laquelle nul n’est obligé de se maintenir, et de préserver les terres du morcellement, ou de l’attribution préférentielle, ce qui découle de l’article L 322-26 du code rural :

Le groupement foncier agricole a pour objet soit la création ou la conservation d’une ou plusieurs exploitations agricoles, soit l’une et l’autre de ces opérations.

Le législateur n’avait donc pas entendu donner le pouvoir au juge d’autoriser un associé à se retirer contre l’avis de ses coassociés, dans le silence des statuts, puisque une telle disposition serait allée à l’encontre de l’esprit du G.F.A.

C’était sans compter l’influence du droit européen, et notamment de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (C.E.D.H.), dont on sait qu’elle est applicable en droit français interne.

La Cour de cassation a estimé que l’article 6 paragraphe 1 de la C.E.D.H. justifiait qu’un retrait judiciaire –autorisé par le juge – soit reconnu à tout associé du G.F.A. (Civ. 1ère, 1er mars 2017, n° 15-20.817)

La référence textuelle n’allait pas de soi, car l’article 6 paragraphe 1 instaure le droit à un procès équitable, dont on se demande ce qu’il a à voir avec le retrait d’une société civile…

Peu importe, la solution est là :

… un tel principe justifie que l’associé d’un groupement foncier agricole puisse solliciter judiciairement son retrait, nonobstant les dispositions de l’ article L. 322-23 du Code rural et de la pêche maritime , à charge pour le juge saisi d’opérer un contrôle de proportionnalité entre l’objectif poursuivi par la limitation légale du droit de retrait et le respect du droit de propriété de l’associé retrayant 

Le juge doit donc mettre en balance le code rural, et le droit de propriété… et sa tâche sera délicate.

La tentation sera grande pour lui de se réfugier derrière la formule aussi vague que commode de l’article 1869 du code civil, qui lui permet d’autoriser le retrait de l’associé d’une société civile pour juste motif. (au nombre desquels la mésentente, par exemple, découlant d’une séparation de concubins associés )

En revanche, la jurisprudence reste à bâtir concernant le mode de retrait : en valeur, ou en nature ?