Transfert du salarié en CDD à l’occasion du rachat de l’entreprise : le nouvel employeur assume à l’égard du salarié les conséquences des erreurs commises par le premier employeur. Par Maître François-Xavier BERNARD, avocat à Dijon.

Transfert du salarié en CDD à l’occasion du rachat de l’entreprise : le nouvel employeur assume à l’égard du salarié les conséquences des erreurs commises par le premier employeur. Par Maître François-Xavier BERNARD, avocat à Dijon.

Transfert du salarié en CDD à l’occasion du rachat de l’entreprise : le nouvel employeur assume à l’égard du salarié les conséquences des erreurs commises par le premier employeur (Cassation sociale 29 juin 2017 n° 15-21672).

Le transfert du salarié en CDD, en cas de cession de l’entreprise, est organisé par l’article L 1224-1 du code du travail : le CDD est transféré de plein droit au nouvel employeur (cessionnaire), qui a racheté l’entreprise au premier employeur (le cédant).

Lorsque le CDD prend fin « normalement », le nouvel employeur paie son dû au salarié : il lui verse les congés payés, et peut en réclamer le remboursement prorata temporis, au premier employeur, c’est à dire pour les con gés acquis pendant la période travaillée auprès de celui-ci.

Mais que se passe-t-il lorsque le CDD se termine mal, le salarié contestant la rupture au motif que le CDD était irrégulier, et qu’il cachait donc un CDI ?

La cour de cassation apporte une nouvelle pierre à l’édifice jurisprudentiel. En l’espèce, un salarié est engagé en qualité de cuisinier par la société Sodexo santé médico-social par contrats à durée déterminée en date du 16 décembre 2010 sans terme précis afin de remplacer une salariée absente pour cause de maladie, et être affecté au service de restauration d’une maison de retraite.

Le service a été repris à compter du 9 novembre 2011 par la société Restalliance, qui devient donc son employeur en application de l’article L 1224-1 du code du travail.

La société Restalliance, son nouvel employeur, l’avise que son contrat à durée déterminée prendrait fin le 7 février 2012, date à laquelle la salariée qu’il était chargé de remplacer, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, quittait l’entreprise.

Le salarié transféré saisit alors le conseil des prud’hommes en sollicitant la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la condamnation du dernier employeur à lui payer une indemnité pour requalification ainsi qu’une indemnisation pour licenciement abusif et une indemnité compensatrice de préavis.

Le CDD conclu par le premier employeur étant en effet irrégulier pour des raisons de forme, il est requalifié en CDI par la Cour d’appel.

Mais la Cour d’appel condamne à cette occasion le premier employeur à verser au salarié l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que les dommages et intérêts pour licenciement abusif.

La solution pouvait paraître équitable, car si le CDD est requalifié en CDI, c’est à raison des seules erreurs du premier employeur qui a mal rédigé le contrat, le nouvel employeur n’y pouvant rien, puisque le CDD « défectueux » lui a été transmis tel quel.

Qui se trompe, paie…

Mais l’équité n’est pas le droit : la Cour de cassation casse l’arrêt en rappelant l’orthodoxie juridique, soit l’article L 1224-2 du code du travail selon lequel le premier employeur ne rembourse au second employeur que les sommes dues au jour de la cession de l’entreprise.

Or l’indemnité compensatrice de préavis comme les dommages et intérêts pour licenciement abusif sont des indemnités dites de rupture… qui naissent justement au jour de la rupture du contrat, c’est-à-dire, en l’occurrence, après la cession du service et du CDD… de sorte que le premier employeur n’en est pas redevable envers le salarié.

Cet arrêt est à rapprocher d’un précédent : le salarié peut demander au nouvel employeur la réparation des conséquences financières de la prise d’acte de rupture de son contrat pour des manquements imputables au premier employeur (Soc. 20 février 2013 n° 11-28340).

Au salarié, on conseillera évidemment de poursuivre devant le conseil de prud’hommes le premier employeur et le second employeur, en demandant leur condamnation solidaire.

Au second employeur, finalement condamné à la place de l’autre, on pourrait conseiller un recours civil de droit commun, sur un fondement à mon sens contractuel.

Notons bien sûr que la solution est différente en ce qui concerne l’indemnité de requalification du CDD en CDI : la Cour de cassation a toujours estimé que celle-ci naissait au jour où est conclu le CDD « défectueux » : l’indemnité naît antérieurement au transfert, et elle est donc due par le premier employeur (Sociale 28 janvier 2015 n° 14.12603).

Maître François-Xavier BERNARD, Avocat à Dijon, Cabinet CAPA