Le groupe de reclassement dans le licenciement pour inaptitude, par Maître François-Xavier BERNARD, avocat en droit du travail, Dijon.

Le groupe de reclassement dans le licenciement pour inaptitude, par Maître François-Xavier BERNARD, avocat en droit du travail, Dijon.

Le groupe de reclassement dans le licenciement pour inaptitude, par Maître François-Xavier BERNARD, avocat en droit du travail au barreau de DIJON.

Le groupe de reclassement dans le licenciement pour inaptitude : l’ordonnance MACRON n° 2017-1387 du 22 septembre 217 en réduit sensiblement le périmètre.

Jusqu’à présent, préalablement à un licenciement pour inaptitude, l’employeur devait rechercher un reclassement dans le groupe auquel appartenait l’entreprise, et plus précisément, selon la jurisprudence, dans les entreprises du groupe dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation autorisaient la permutation de tout ou partie du personnel (Soc. 10 juillet 2002, n° 00-40.209)

En droit des sociétés, le groupe est ainsi défini : une société en contrôle une seconde, sa filiale parce qu’elle détient notamment la moitié du capital social de la seconde, ou, directement ou indirectement, une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la seconde. (Selon les articles L 233-1, L 233-3 du code de commerce)

En droit des sociétés, un groupe n’existe donc qu’à deux conditions :

  • il est constitué de sociétés (et pas d’associations par exemple)
  • ces sociétés ne sont pas indépendantes mais subordonnées à une société mère qui les contrôle

Or la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation s’était affranchie de cette définition tirée du droit des sociétés, pour faire du groupe de reclassement une notion autonome beaucoup plus étendue. Ainsi, le groupe :

  • n’était pas nécessairement constitué par des sociétés : des associations pouvaient constituer un groupe de reclassement
  • ou pouvait être formé par des sociétés pourtant juridiquement indépendantes (c’est-à-dire, non contrôlées par une société mère).
    • des hôtels franchisés ACCOR pouvaient ainsi relever d’un groupe de reclassement, alors que les franchisés sont indépendants les uns des autres (Soc. 20 février 2008, n° 06-45335)
    • des franchisés Mac Donalds, sans lien capitalistique entre eux, formaient également un groupe de reclassement (Cour d’Appel de Toulouse, 4ère Ch. Section 2 Chambre Sociale, 9 octobre 2015 (RG : 13/05919))
  • à la condition, bien sûr, que l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation de ces entreprises, dans le groupe, autorisent la permutation de tout ou partie du personnel

Les conséquences étaient lourdes : avant de licencier, l’employeur franchisé devait interroger toutes les entreprises du groupe de reclassement auquel il était susceptible d’appartenir, soit parfois plusieurs dizaines ou plusieurs centaines… sous peine de voir son licenciement qualifié de sans cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes.

Ce d’autant plus que le critère de permutation est imprécis : jusqu’à quelle distance géographique le personnel de deux Mac Do est-il permutable ? Le canton, le département, la région, le pays ?

Qui n’a pas eu en mains un de ces dossiers dans lesquels l’employeur avait « circularisé » un courriel de demande de reclassement adressé à des dizaines d’autres entités constituant le groupe ?

L’article 7 de l’ordonnance Macron affirme désormais que le groupe de reclassement n’existe que dans un groupe au sens du droit des sociétés.

La section 2 du chapitre IV du titre II de la première partie du même code est ainsi modifiée : 
1° Le premier alinéa de l’article L. 1226-2 est complété par les mots suivants : «, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.


« Pour l’application du présent article, le groupe est défini conformément au I de l’article L. 2331-1…
» 

Or l’article L 2331-1 du code du travail renvoie bien aux articles du code du commerce définissant le groupe des sociétés :

I. – Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce….

C’est donc a priori la fin de ce qu’on a appelé la jurisprudence Mac Do… (Cour d’Appel de Toulouse,, 9 octobre 2015, précité)

Mais dans l’attente d’une jurisprudence conforme de la Cour de cassation qui n’interviendra que dans plusieurs années (l’ordonnance n’est applicable qu’aux licenciements prononcés à compter du 27 septembre 2017), on conseillera aux franchisés de continuer à rechercher le reclassement auprès des autres franchisés avant de licencier pour inaptitude. On n’est jamais trop prudent…

François-Xavier BERNARD, Avocat à la Cour.